Cas 20 – Susciter la curiosité… What else?!

Je reçois un jour un mail du directeur du CNRS en neurosciences qui m’invite à le rencontrer avec son équipe parce que « je suscite sa curiosité ».

Honorée et amusée, je lui réponds que je suis timide (véridique) et demande ce qu’il entend par « équipe ». Elle sera restreinte de 3 personnes.

La rencontre informelle se tiendra dans un café, en terrasse et sous un soleil resplendissant.

Je me sens soulagée mais mon cœur bat néanmoins la chamade. J’ai besoin de me rassurer : il a 1 tête, 2 bras et 2 jambes… comme moi, donc tout va bien !!

Monsieur le Directeur est accompagnée finalement d’une seule personne, collègue. Dès mon arrivée, ses premiers mots sont qu’il ne croit pas aux esprits et à tout ce qui concerne ces trucs… Pourquoi cette rencontre s’il a déjà une opinion déjà bien fixée ?!

Il me questionne sur le chamanisme. Je ne me prétends pas être spécialiste du chamanisme, mais je peux raconter sur mon vécu. Il existe aussi de la littérature sur le sujet et en accès libre à tout public.

Il précise qu’il pratique depuis plusieurs années un art martial japonais dont je n’ai pas retenu le nom (zic), que son professeur est au 8^e dan (si ma mémoire est juste) et lui-même a déjà passé quelques dan. Là il entre dans des explications qu’il essaie vainement de donner, tout en y joignant le folklore du mouvement des bras, mais il heurte sur les mots.

Je lui réponds amusée « n’utilisez pas le mot « énergie » si vous n’y croyez pas ».

Il bredouille… Le mot « énergie » est difficilement remplaçable… Pour le taquiner, je lui répète de « ne pas utiliser le mot « énergie » sinon, ce sera un gage ». Cette remarque l’a vexé, je ne l’ai pas compris tout de suite, dans le vif des échanges. Il n’a pas réussi à terminer son explication.

Visiblement il voulait dire que la pratique des arts martiaux fait circuler l’énergie dans le corps.

La conversation se poursuit avec sa collègue portant sur une étude intéressante pour la soutenance orale que je prépare.

Ensuite, les échanges reprennent avec le directeur qui me questionne sur le classement des animaux chamaniques. Ma réponse est qu’il n’y a pas de classement particulier parce qu’ils sont tous complémentaires dans leur différence.

– Et pour le tænia (ou ver solitaire), me lance-t-il sur un ton arrogeant ?!

– Vous savez, chez les humains aussi il y a particulièrement des parasites. Chaque animal a sa signification, il n’y a pas de « plus » ou de « moins », d’ « inférieur » ou de « supérieur ». Ce qui clos le sujet.

Je l’invite à expérimenter le tambour avec moi ou une autre personne afin qu’il puisse parler de son vécu, ses ressentis au lieu de rester sur des préjugés. Cela me paraît plus intéressant que tout ce qu’il pourra lire. Le vécu est pour moi, une richesse incontournable, car tout le monde connaît le décalage entre la théorie et la pratique. Quoi de mieux que l’expérience de terrain pour se frotter à la (vraie) réalité !! De plus, il me parait logique de parler de ce qu’on connaît, ce qu’on vit plutôt que par « procuration » qui ne donne pas de légitimité à mon sens. Ce ne sera bien sûr qu’une facette de la réalité puisqu’une même expérience est vécue et ressentie différemment en fonction de sa propre histoire.

Après quelques échanges, il finit par me dire qu’il décline mon invitation. Il m’informe avoir écrit un livre issu de ses recherches, comme tout bon scientifique se doit de faire… publier !

Je me suis promise d’en prendre connaissance car nos opinions divergentes ne sont pas un prétexte à dénigrer et me désintéresser de l’autre.

Ce fut une rencontre intéressante mais qui me questionne sérieusement.

Comment une éminente personne sociale qui incarne la connaissance, la science, donc la crédibilité peut-elle en toute conscience juger d’un sujet sur une base pour le moins subjective qui relève uniquement d’une opinion personnelle et apportant ainsi un jugement de valeur négatif. Il n’y a là aucun respect de la posture scientifique qu’elle représente.

NB :

Einstein : « Si votre esprit n’est pas ouvert, gardez la bouche fermée »