L’empathie va parfois bien plus loin qu’une écoute, un geste, un regard, un acte altruiste… un silence.
Le don d’organe, comme le don de sang est la réponse à sauver une vie qui va au-delà de la survie organique, celle d’un corps fait de chair et d’os, mais touchant aussi les sphères plus subtiles.
Charlotte Valandrey dans son livre « De coeur inconnu » l’illustre bien et de façon troublante en questionnant sur la mémoire cellulaire.
Ayant une longue expérience autant que multiple en tant qu’infirmière dans le domaine de la greffe de sang et d’organes (hématologie, greffe de poumon et greffe cardiaque, particulièrement auprès de personnes sous machine Thoratec, circulation extra-corporelle qui remplace provisoirement les fonctions cardiaques ; l’attente du greffon est urgente), j’ai pu recueillir des propos troublants sur le changement d’humeur, voir de personnalité et de goût d’une personne ayant reçue une greffe.
Chaque organe et chaque cellule possèdent une âme et sont imprégnés de l’empreinte génétique.
Recevoir une greffe, c’est aussi recevoir l’esprit de l’organe et de la personne donneuse, ce qui n’est pas sans conséquence et donne matière à réflexion, dans une posture neutre et constructive.
Je pense que l’attente à recevoir est longue et non sans raison car nécessaire, pour permettre de faire le deuil de la partie vitale qu’on perd et cheminer vers l’acceptation de celle qu’on nous offre, en parallèle au long parcours médical pour trouver le « bon » donneur, en terme de compatibilité (système HLA) palliant ainsi autant que possible le rejet de l’organe.
C’est la même démarche quand on adopte un enfant, dans une greffe réciproque…
avec de nouveaux liens à tricoter.
Pour l’enfant, c’est déconstruire une histoire tout en veillant à garder les racines de ses géniteurs pour reconstruire dans une nouvelle filiation ; démarche qui ne se réalise pas sans heurt, ni peine dans ce double jeu de loyauté déchirant parce qu’il met à rude épreuve les capacités d’adaptation, de résilience…
L’enjeu étant vital, de l’ordre de la survie quand on sait toute la problématique du mal-être et du suicide de cette population : ne plus être rejeté, mais recevoir l’attention et l’amour qui nous ont fait tant fait défaut, sans se perdre dans l’image idéalisée et l’attente des parents receveurs…